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La littérature du sous-sol
7 juillet 2009

Lise-Marie et Léo sont sur un blog

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     Allez, un billet futile sur une parcelle du microcosme blogo-éditorial. L'actualité est riche: deux blogs galactiques que je fréquente avec (trop d') assiduité depuis trois ans pour l'un, deux ans pour l'autre, viennent d'entrer en collision. Le choc fut terrible, on raconte même que dans le grand silence d'Internet quelques témoins effarés entendirent "plop". Mais revenons en arrière, et essayons de comprendre.

Acte 1: WRATH.

     Lise-Marie alias Wrath est la papesse des wannabe-guerriers. Activité principale: agonir de sarcasmes un monde éditorial parisien jugé dans sa globalité pourri, veule, incompétent, malfaisant, narcissique, débauché, vieillissant et donc impropre à la saine pénétration du marché anglo-saxon. L'analyse est sommaire, le sens de la nuance et l'exactitude n'étant pas des priorités wrathiennes, les "preuves" de la grande corruption accumulées sur des centaines de billets écrits à la va-vite sont rarement probantes, les cibles de Lise-Marie sont parfois de pacifiques et obscurs écrivains tout surpris de se faire crucifier sans sommation, et son idéal littéraire qui apparaît de plus en plus nettement (pour faire vite: un bon livre est un best-seller exportable) est tout sauf enthousiasmant.

     Pourtant Wrath a ma sympathie. Parce que son opiniâtreté fait plaisir à voir (certains commentateurs lui prédisaient dès 2006 une disparition rapide, ah ah), parce que dans les commentaires de  son blog des choses bien intéressantes ont parfois été dites, et surtout parce que, malgré et grâce à ses outrances, elle ébranle la crédulité des wannabe-oui-oui, wannabe-oui-oui qui, bien qu' incomparablement plus nombreux que les wannabe-guerriers n'en sont pas moins promis à de fraîches désillusions. Certains disent que les quelques dénonciations sérieuses de Wrath (dans la course à la publication, les réseaux sont infiniment plus efficaces que l'envoi postal "anonyme") sont inutiles parce que connues de tous depuis longtemps; étrangement, c'est tellement connu que Wrath est la seule à en parler véritablement tandis que les journaux spécialisés, là où sont ceux qui savent, persistent à faire comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Alors oui, on peut le déplorer à l'infini, mais Wrath, en attendant mieux, est juste nécessaire.

Acte 2: LEO SCHEER.

     Sur le blog des Editions Leo Scheer règne leo. Gouvernant affable et accueillant les petites gens par un "cher" de bon aloi, il se présente modestement comme un stagiaire dans le monde de l'édition, un humble expérimentateur revendiquant parfois une certaine maladresse ou des amnésies passagères, et il n'apprécie chez les autres rien tant que la gentillesse. Célèbre dans la blogosphère pour la liberté de ton qu'il autorise dans les commentaires de son blog et pour l'aventureuse aventure de sa collection M@nuscrits, il aime faire bouger les lignes, ne dédaigne pas la provocation, se plaisant même à prendre à contre-pied certains de ses proches qui croyaient suivre sa logique. Chez lui, plus de mille billets déjà, où on trouvera de très instructifs échanges aussi bien que d'ineptes récréations, rassemblant de fait des gens venus d'horizons et même d'espaces-temps très différents, mélange tour à tour cocasse et explosif qui suscite l'ire et le mépris des littérateurs sourcilleux. Pour ma part, et pour toutes ces raisons, je trouve ce blog, où toujours il se passe quelque chose, terriblement attractif.

      Cependant, sur la longueur leo sait aussi se montrer joueur impénitent, mettant en vedette un jour tel ou tel intrus qu'il laissera se faire bouffer le lendemain par quelque courtisan en vue ou par la meute mais n'oubliant pas de le consoler le surlendemain: la gentillesse, toujours. Sadique débonnaire, il aime aussi jouer sur les mots, tend des perches dont se saisissent, malhabiles, wannabe-oui-oui ou publiés-tout-frais, en oubliant (l'étourdi!) de préciser que la perche est parfois cloutée. Peu importe, les naïfs moqués claquent la porte dans l'indifférence générale ou restent en disant encore merci, la gueule en sang. Du coup, ce qui se passe au royaume de Leo Scheer tantôt infirme les vitupérations de Wrath, tantôt semble au contraire en fournir une accablante illustration. Et justement, voilà que...

Acte 3: LE CHOC DES... DES QUOI AU FAIT?

      S'agit-il de David contre Goliath, de Charybde en Scylla, à moins qu'il ne s'agisse de guerres picrocholines? Les références  les plus culturelles ne sont d'aucun secours pour appréhender la chose, tant l'affrontement est farcesque. Et pourtant pas dénué d'enseignement. Résumons (désolé pour ceux qui découvrent pour la première fois ces noms, vous ne pouvez rien comprendre, vous m'en voyez navré, d'un autre côté vous ne ratez pas le clash du siècle): Wrath emmerde Leo Scheer depuis longtemps, elle voit en lui l'archétype de l'éditeur snob et clanique (et libidineux, insinue-t-elle). Pourquoi lui, spécifiquement? Tout simplement parce qu'il s'exprime beaucoup sur le Net, contrairement aux autres éditeurs qui restent sagement barricadés chez eux (lâches aristocrates, votre tour viendra etc.), il offre donc une prise. Wrath s'acharne (mais aimerait bien être publiée). Léo en a marre. En même temps ça le fait rire, il aime les punaises (oui, c'est compliqué). Et puis comme susdit il est joueur. Alors tout ça combiné ça fait une amorce de contact entre les deux. Ils se tournent autour, chacun affirme que c'est l'autre qui a fait le premier pas, il est question de publication du premier manuscrit de Lise-Marie. A certaines conditions. Bien sûr ça n'aura pas lieu. En revanche, occasion royale pour une nouvelle mini-guerre des blogs, avec moqueries sur manuscrit semi-fantôme et menaces de poursuites judiciaires. "Feuilleton de l'été", dit leo qui aime que le bon peuple s'amuse, même en période estivale.

     Les commentaires vont bon train, les analyses subtiles se succèdent (je passe sur les surréalistes arguments légalistes): leo n'a certes pas été parfaitement clair, mais quelle méchante prétentieuse petite garce, cette Wrath! Bien fait, tiens! Hi hi hi la v'là bien punie, la mégalo qui croyait faire jeu égal! Et voyez comme son manuscrit est comiquement naze! euh non, vous ne voyez pas, puisqu'il n'est pas tout à fait visible, son manuscrit, mais vous imaginez bien, hein! Et justice va être rendue, on saura vite qui a diffamé le plus l'autre, depuis si longtemps! ah! ah! Prise à son propre piège, l'effarouchée poissonnière! etc. Curieusement, assez peu de gens semblent avoir conscience que dès le départ il y avait dissymétrie, maldonne, que tout était joué d'avance, que la reine des wannabe (combien de divisions?) était tout simplement seule, comme toute wannabe, infiniment seule et ne pouvant jouer que le rôle que l'on voudrait bien lui octroyer à la table du dîner de cons où elle fut si aimablement conviée.

Epilogue (ou: Et puis lol)

Happy end bien entendu, words words words, le sang ne coulera pas, le buzz est bon pour tout le monde même quand il est mauvais. Certains moralistes parlent de réputations perdues. Pauvres moralistes qui se plantent d'époque, voyons, enfin: tout le monde rebondit si vite, et le monde est si vaste. La rigolade cynique a encore de beaux jours devant elle.

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Commentaires
M
Clopine, tiens justement vous voilà dans mon dernier billet... (et vlan). Bon, en effet Wrath ne fait pas l'unanimité, ça se précise; mon regard sur elle (et, disons-le: mon affection) ne change pas pour autant. Pour le côté "racoleur" et "exhibitionniste" de tout blog, certainement, mais diable Clop'! je vous trouve bien dure. Car ces "mauvais lieux", à mon sens, brouillent plus les pistes et ouvrent plus de perpectives imprévisibles qu'ils ne piègent le client dans un jeu narcissique. Qu'importent les mauvais ressorts et les mobiles inconscients, si chacun y trouve, en fin de compte, ce qu'il n'attendait pas tout à fait. Non?
C
à cause de son "regardez comme c'est mieux ailleurs" (en Angleterre, aux Etats-Unis) où l'on a pas honte de l'argent... Ni des Mac Do, ai-je toujours envie de lui rétorquer, mais bon. <br /> <br /> Je dois dire que, par contre, tous ses "tuyaux" sont réconfortants. Savoir que c'est une vraie punaise qui officie au Dilettante, par exemple... <br /> <br /> Léo Scheer, n'y suis allée qu'une fois ou deux. Trop compliqué pour moi. Déjà, chez Assouline, j'ai mis un an à me repérer, deux ans à être (un peu) entendue, et j'ai déjà été virée trois fois, alors... Je sors d'en prendre, Marco... <br /> <br /> Les blogs sont des mauvais lieux, en vrai. Le vôtre et le mien ne sont pas exempts de ces lanternes rouges qui annoncent, de bien loin, et l'exhibitionnisme, et le racolage. Nous essayons de le dissimuler (vous avec classe, sisisi), mais au fond, au fond, franchir le clic d'un blog c'est aborder un claque...<br /> <br /> Clo
M
@ Kripo: j'entends bien, les carcasses de Guignol et Niafron agrippées l'une à l'autre, retrouvées noyées dans la même écuelle de sang, le spectacle serait total, sans doute. Spectateur exigeant, vous en voulez pour votre argent, et il me semble, Monsieur, que vous êtes un jusqu'au boutiste de la comédie, autant dire: un artiste. Mais moi, plus rustre dans mes attentes, j'ai comme un doute, et sur la péripétie et sur le plaisir occasionné.<br /> <br /> @ Loïs: je suis très touché, merci, mais tu sais, en insultes improvisées je suis aussi décevant qu'un autre.
L
L'effarouchée poissonnière : c'est excitant de se faire insulter par toi.
M
@ Don Lo: ah vi vi, maintenant j'ai compris. Bah oui, comme toutes les analogies ça ne marche pas dans tous les détails (entre autres, Wrath n'a pas l'innocence d'un architecte d'allumettes), mais l'esprit y est. <br /> <br /> @ secondflore: de rien, et n'ayez crainte pour ce que vous avez manqué: les épisodes en postproduction sont encore nombreux, et les scénaristes ne sont jamais en grève.<br /> (Pour le son, c'est une question de distance. Pschitt, c'est ce qu'on entend de loin; de près, je vous assure que c'est super violent: Plop)<br /> <br /> @ Cunégonde...: la candeur est un belle qualité. PS: ma modestie chronique est furieuse. Moi je vous dis quand même un grand merci.
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